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L'obsession de vouloir avoir raison : un poison silencieux dans nos organisations

Photo du rédacteur: Virginie FilleulVirginie Filleul

Qui n'a jamais assisté à ces réunions interminables où les egos s'affrontent ? Ces moments où la défense acharnée d'un point de vue l'emporte sur la recherche de solutions ? Cette obsession d'avoir raison gangrène nos entreprises, créant des fossés relationnels aux coûts considérables.


"Marie présente une nouvelle stratégie marketing. À peine a-t-elle terminé que Paul l'interrompt : 'Ça ne marchera jamais, on a déjà essayé ça en 2019. Sans même écouter les modifications et améliorations que Marie a intégrées, Paul persiste, sort des chiffres datés, hausse le ton. L'équipe se crispe, Marie se referme. Une heure plus tard, aucune décision n'est prise, et une tension s'est installée dans l'équipe."

Ce scénario, tristement familier, illustre comment le besoin d'avoir raison paralyse l'innovation et détruit la collaboration.


L'écoute réactive : le piège silencieux


Une étude révélatrice de Weger et al. (2014) met en lumière un phénomène alarmant : dans 70% des échanges professionnels, nous ne sommes pas réellement présents à l'autre. Au lieu d'écouter pour comprendre, nous écoutons pour répondre, préparant mentalement nos arguments pendant que l'autre parle. Cette "écoute réactive" se manifeste par :


  • Des interruptions fréquentes

  • Des "oui, mais..." systématiques

  • Une tendance à ramener la conversation à ses propres expériences

  • Un besoin compulsif de proposer des solutions avant même d'avoir cerné le problème


Cas concret observé chez TechStart SAS : Lors d'une réunion produit, l'équipe design présente une nouvelle interface. Sur 45 minutes de présentation :
  • 23 interruptions comptabilisées

  • 15 "nous avons déjà essayé ça"

  • 12 conversations parallèles


Résultat : une démotivation de l'équipe design et trois mois de retard sur le projet.


La Tyrannie de l’Ego : Pourquoi veut-on toujours avoir raison ?


Le besoin d'avoir raison est souvent lié à notre ego, ce mécanisme de défense qui nous pousse à chercher validation et contrôle. Lorsque nous défendons une position, notre cerveau libère de la dopamine, cette “hormone du plaisir” qui nous récompense pour un comportement perçu comme bénéfique. En d’autres termes, nous nous sentons bien lorsque nous gagnons un débat, même si cela détériore nos relations (Baumeister et Leary, 1995).


Selon les travaux de Baumeister et Leary (1995), ce comportement est amplifié dans des contextes professionnels compétitifs, où "gagner" un débat peut être perçu comme un levier d'estime personnelle ou de reconnaissance.


Marshall Rosenberg, fondateur de la Communication NonViolente (CNV) met en lumière une vérité fondamentale : derrière ce réflexe se cachent souvent des émotions et des besoins non exprimés, comme la peur de perdre en crédibilité, de ne pas être entendu ou de ne pas être respecté. En entreprise, cela se traduit par des comportements contre-productifs.


Les conséquences directes sur l'organisation


Selon les travaux du Dr. Robert Sutton de Stanford, cette obsession d'avoir raison impacte l'entreprise à plusieurs niveaux :


  • Détérioration du climat social

  • Frein à l'innovation

  • Perte de talents

  • Diminution de l'engagement


Une étude de Deloitte (2023) révèle, elle, que les entreprises perdent en moyenne :


  • 4.2 heures par semaine par employé en conflits liés à des positions ego-centrées

  • 12% de leur budget en turnover dû à des problèmes relationnels

  • 28% d'opportunités d'innovation à cause du manque d'écoute mutuelle


Cas d'étude : Entreprise X, 500 employés
  • 14 heures perdues par semaine en débats non constructifs

  • 3 démissions en 6 mois dans une même équipe

  • 1 projet majeur retardé de 3 mois à cause de blocages liés à des égos


Transformation : de l'opposition à la collaboration


Marshall Rosenberg propose une alternative puissante : écouter pour comprendre, non pour répondre. Cette démarche commence par une intention : "Qu'est-ce que cette personne est en train de vivre ?


Cette approche centrée sur la compréhension des besoins et des émotions derrière chaque opinion repose sur trois piliers essentiels pour renforcer les relations professionnelles : l’écoute, la reformulation et l’intention de coopérer.


1. Écouter pour comprendre

Dans un contexte professionnel, l’écoute active peut transformer une situation tendue en opportunité de dialogue. Plutôt que de chercher à répondre immédiatement, posez-vous cette question clé : “Qu’est-ce que mon collègue essaie de me communiquer au-delà de ses mots ?”


2. Reformuler pour clarifier

En entreprise, les malentendus sont fréquents et coûteux. Une reformulation, comme “Si je comprends bien, tu proposes… parce que…”, permet d’assurer une compréhension mutuelle et d’éviter les conflits inutiles.


3. Identifier les besoins derrière les positions

Un désaccord sur un projet ou une méthode de travail cache souvent des besoins fondamentaux non exprimés : reconnaissance, autonomie, sécurité. En identifiant ces besoins, il devient possible de trouver des solutions qui respectent les différentes parties.


Renoncer à gagner pour renforcer la relation professionnelle


Dans le monde du travail, choisir de préserver la relation plutôt que d’avoir raison peut sembler contre-intuitif. Pourtant, c’est un choix stratégique. Les recherches en neurosciences (Zak, 2012) montrent que des relations basées sur la confiance et la compréhension mutuelle augmentent significativement la performance collective.


Pratiques concrètes :


  • Instaurer des "temps d'écoute" en réunion où l'interruption est interdite

  • Former les managers à la détection des besoins sous-jacents

  • Créer des espaces de discussion sécurisés

  • Intégrer dans les évaluations :

    • La capacité à faire émerger des solutions consensuelles

    • L'aptitude à transformer les désaccords en opportunités

    • La qualité de l'écoute et de la collaboration


Conclusion : vers un Nouveau Paradigme Relationnel


Le véritable leadership du XXIe siècle ne réside plus dans la capacité à imposer sa vision, mais dans l'art de créer des espaces où chacun peut contribuer authentiquement. La réussite durable repose sur notre capacité à bâtir des passerelles, non des barrières.


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Sources :

  • Sutton, R. (2023). The No Asshole Rule: Building a Civilized Workplace

  • McKinsey Global Institute (2023). The Social Enterprise at Work

  • Deloitte Human Capital Trends (2023)

  • Harvard Business Review (2022). The Cost of Conflict at Work

  • Rosenberg, M. (2019). Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs)

  • D'Ansembourg, T. (2021). Cessez d'être gentil, soyez vrai en entreprise

  • Études de cas Entreprises X, Y, TechCo et InfoTech (2023)

  • Rapport "Transformation des cultures d'entreprise" (2023)

  • "Guide pratique de la communication non-violente en entreprise" (2024)


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